La conférence sur le thème Difficile implémentation de l’État de droit au Bénin de 1990 à nos jours a eu lieu lors de la seconde journée pédagogique de l’année académique au Grand Séminaire Saint Paul de Djimè, ce mercredi 25 Février 2025. Elle a été présentée par le professeur Victor TOPANOU un député actuel du pays.
Au début de sa présentation, le professeur a expliqué que l’État de droit est un concept où la loi est appliquée de manière égale à tous. Cependant, il a souligné que cette idée rencontre plusieurs obstacles au Bénin, aussi bien sur le plan culturel qu’institutionnel. Il a introduit le concept d’État de droit en se basant sur la théorie contractualiste des philosophes comme Hobbes, Rousseau et Locke. Il a rappelé que Hobbes, dans sa vision du Léviathan, considérait l’État comme un pouvoir absolu, source de chaos, mais nécessaire pour maintenir l’ordre. Rousseau et Locke ont, quant à eux, mis l’accent sur l’idée d’un contrat social, où les individus acceptent de renoncer à certaines libertés en échange de la protection de leurs droits. Le professeur a souligné que pour que l’État de droit soit effectif, il est indispensable que les droits de l’homme soient respectés. Il a expliqué que ces droits sont classés en trois générations : les droits civils et politiques (première génération), les droits économiques et sociaux (deuxième génération), et les droits environnementaux et de développement (troisième génération). Bien que ces principes soient inscrits dans la Constitution béninoise, leur mise en œuvre reste entravée par plusieurs obstacles, notamment les résistances culturelles et les défaillances institutionnelles.
Le professeur TOPANOU a ensuite exploré les obstacles culturels à l’implémentation de l’État de droit au Bénin. Il a mis en lumière des pratiques traditionnelles comme le Bo en Fon et le Glo (contre) qui contribuent à créer un système de protection communautaire à l’écart des structures étatiques. Ces pratiques renforcent une méfiance vis-à-vis des institutions publiques et compliquent l’adhésion des citoyens à la loi et aux normes juridiques. Le Bo, en particulier, façonne une mentalité de méfiance, où « l’homme est un loup pour l’homme », ce qui est incompatible avec l’idée d’un État où le droit doit primer sur les relations personnelles. Parallèlement, le professeur a évoqué des phénomènes comme l’insécurité quotidienne, l’usage de faux médicaments et l’absence de sécurité dans les transports, qui illustrent un faible respect de la loi. Ces comportements informels montrent une déconnexion entre les normes juridiques et les pratiques réelles des citoyens, ce qui freine l’implémentation de l’État de droit.
Dans la seconde partie de son exposé, le professeur TOPANOU a analysé les obstacles modernes à l’État de droit, notamment la faiblesse de l’indépendance des institutions. Il a pointé du doigt le faible taux de juridicité, estimé à environ 15%, et l’absence de séparation effective des pouvoirs entre les branches exécutive, législative et judiciaire. Le manque d’indépendance de ces pouvoirs rend difficile l’application des principes de l’État de droit, en particulier quand les pouvoirs exécutif et législatif ont une influence trop importante sur le pouvoir judiciaire. Ces défaillances institutionnelles renforcent le sentiment d’impunité et affaiblissent l’adhésion des citoyens aux principes de l’État de droit.
Pour remédier à ces obstacles, le professeur TOPANOU a proposé plusieurs réformes. Il a insisté sur la nécessité d’une véritable révolution sociale et politique visant à placer l’humain au cœur des préoccupations politiques et sociales. Il n’a pas omis de mettre un accent particulier sur la nécessité de repenser certaines pratiques culturelles, notamment le Bo en Fon, en valorisant ses aspects positifs tout en réformant ceux qui sont contraires à l’État de droit. Il a également souligné l’importance de renforcer l’éducation civique pour que la population comprenne mieux les enjeux des droits humains et du respect de la loi. Il a aussi appelé à une réforme institutionnelle, notamment en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, afin d’assurer une indépendance réelle du système judiciaire et de garantir l’effectivité de la loi. Le professeur a insisté sur le fait que l’État de droit ne peut se concrétiser que si les institutions sont renforcées et si la culture du respect de la loi se développe à tous les niveaux de la société.
À la fin de l’exposé, le professeur TOPANOU a pris le temps de répondre aux questions des séminaristes, abordant des points spécifiques soulevés par le public et prolongeant ainsi la réflexion. Après cette séance de questions-réponses, l’intervention du Père Antoine MASSESSI, directeur des études, a permis de revenir sur les principales recommandations du professeur et d’ouvrir un débat sur les moyens de surmonter les défis culturels et institutionnels auxquels le Bénin est confronté.