Homélie du 29 dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique B Dimanche 20 Octobre 2024
1ère Lecture: Is 53, 10-11
Psaume 32
2ème Lecture : He 4, 14-16
Evangile : Mc 10, 35-45
Aujourd’hui, l’évangéliste Marc nous met encore en face d’un autre problème sensible, le pouvoir. Le dimanche dernier, il était question d’argent. Cette fois-ci, c’est le pouvoir. Jésus nous dit ce qu’il pense du pouvoir. Pour cela l’évangéliste se sert de l’histoire des fils de Zébédée.
En effet, Jacques et Jean, cousins de Jésus, voudraient obtenir les meilleures places dans le Royaume de Dieu. Et tous, nous sommes là. Tous les êtres humains cherchent à dominer, à se placer aux premiers rangs. Les premières places : que ne faisons-nous pas pour y arriver ? Tous ne les atteignent pas, mais tous, de manière plus ou moins avouée, en rêvent.
Face à ce besoin de la nature humaine, Jésus répond par un enseignement qui est développé en deux étapes :
- Un dialogue avec les fils de Zébédée sur les places autour de Jésus (15-40)
- Une instruction aux Douze sur le service lié à l’exercice du pouvoir dans la communauté jusqu’au don de sa vie (41-45)
Les deux frères se présentent à Jésus avec beaucoup de précaution : « maître, nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous te demandons » (35). La demande est d’importance. Jésus les invite à la formuler (36). Celle-ci est en lien avec l’enseignement antérieur de Jésus sur ce qui se passera lorsqu’il reviendra dans la gloire de son père (cf. 8, 38). Après toutes les instructions de Jésus sur sa passion et le service, après toutes les incompréhensions de Pierre et des Douze, la demande des deux frères, siéger aux côtés du Fils de l’homme en gloire, c’est être associé à son autorité et à ses fonctions lorsqu’il reviendra.
La réponse de Jésus est double. La première est une sorte de non-recevoir, mettant en évidence l’absurdité de la requête : « vous ne savez pas ce que vous demandez ». Leur inconscience est encore accentuée par une question sur leur aptitude à rester aux côtés de Jésus dans l’aventure qui l’attend. La deuxième réponse de Jésus vient après qu’eux-mêmes aient affirmé leur capacité. Jésus accepte alors leur demande remodelée, tout en affirmant son incompétence par rapport à la première formulation (40).
La nouvelle formulation de la requête mise dans la bouche de Jésus est métaphorique. L’annonce que Jésus baptisera dans l’Esprit Saint (1, 8) peut faire comprendre l’annonce métaphorique du baptême. Car Marc entrevoir la mort de Jésus comme un baptême, idée qu’il a probablement prise chez Paul (cf. Rm 6, 3). Mais la métaphore de la coupe apparaît pour la première fois. Elle est bien connue dans le monde juif. Les psaumes évoquent « la coupe du salut » (Ps 116, 13 ; Ps 16, 5). Mais la coupe que Dieu offre à une personne ou à un peuple figure plutôt un sort négatif (cf. Ps 11, 6 ; Is 51, 17.22 ; Jr 22, 15). Elle est synonyme de désastre ou de malheur lié au jugement divin (cf. Ps 75, 9). En conséquence la coupe ici ne peut renvoyer qu’à la mort de Jésus.
Jésus accepte la réponse naïve des deux frères, qu’ils donnent avec suffisance sans se laisser effleurer par le doute. Il entrevoit même qu’ils pourront boire à la coupe et être baptisé comme lui. On peut y voir l’annonce du martyre des deux apôtres, hypothèse qui se serait réalisée pour Jacques qui a subi la décapitation entre 41 et 44, rapportée par Ac 12, 2. Mais il ne peut pas répondre à leur demande initiale, celle de siéger aux côtés de Jésus. Lors de la mise en croix, le lecteur découvrira deux brigands à la droite et à la gauche de Jésus (15, 27). Car à la croix, les deux frères et les autres disciples auront fui.
Il urge de comprendre ici que le Seigneur leur a fait une grâce. Il leur a donné bien plus que ce qu’ils avaient demandé. Il les a libérés de leur ambition égoïste et les a rendus participants de son amour. Ainsi ils sont vraiment proches de lui. Eux qui avaient demandé la gloire, Jésus leur donne la grâce d’être proche de lui dans l’amour. Et c’est cela l’essentiel, être avec Jésus dans l’amour généreux.
La réaction indignée des dix autres disciples offre à Jésus l’occasion d’un nouvel enseignement sur ce qu’il attend d’eux tous. Il commence par les appeler, comme il l’a souvent fait pour un enseignement spécial qui leur est destiné. Il leur rappelle le fonctionnement du pouvoir chez les chefs des nations pour l’opposer à ce qu’il attend de ses disciples, qui doit être calqué sur le modèle de fonctionnement du Fils de l’homme.
La description du fonctionnement des chefs, des grands de ce monde est chargée d’ironie. Ils pensent commander aux nations, mais ce n’est qu’une apparence. Ils expriment un type de pouvoir oppresseur pour faire sentir leur autorité. Il ne peut en être ainsi chez les disciples. La règle initiale de la communauté des disciples est que celui qui veut occuper le premier rang devra servir et devenir l’esclave des autres.
Au principe qu’il vient d’énoncer, Jésus ajoute une motivation tirée de sa propre expérience, le but de sa venue, celle du Fils de l’homme, n’est pas de servir, mais d’être serviteur. Jésus est un contre-modèle par rapport aux puissants de ce monde. Pour Jésus, la véritable grandeur consiste à servir, à se mettre à la disposition des autres afin de les aider à vivre dignement. Pour lui, la situation de responsabilité n’est pas d’abord une domination, mais un service plus étendu. Ceux qui sont grands devant Dieu, ce ne sont pas ceux qui se font servir, mais ceux qui servent. Ceux qui seront aux bonnes places, ce ne sont pas ceux qui se contentent d’en rêver, mais ceux qui imiteront le Christ, en buvant la coupe des épreuves comme lui, en devenant serviteur comme lui. Les meilleurs chefs sont ceux qui savent faire participer leurs subordonnés. Le mot latin « auctoritas » (autorité) vient de la racine faire croître (« augere »), augmenter. Pour Jésus, c’est bien cela : l’autorité est le service qui aide les personnes à grandir, à devenir elles-mêmes responsables. Le vrai chef est celui qui sait écouter, comprendre, mettre en valeur et respecter.
C’est de cette manière que l’on peut plaire à Dieu et vivre comme Jésus lui-même a vécu. Il est venu « pour donner sa vie en rançon, pour beaucoup », cette expression donne sens à ce qu’il disait auparavant sur la coupe à boire et le baptême avec lequel il serait baptisé. La clause ajoutée « en rançon » est difficile à expliquer, elle signifie probablement que Jésus apporte sa part pour l’acquittement des pécheurs qui ne peuvent payer, pour la réconciliation avec Dieu.
Et c’est cela la grande affirmation de la première lecture de ce jour. Elle nous explique l’implication pour Jésus le fait de donner sa vie en rançon pour la multitude. En parlant du serviteur souffrant le prophète dit : « broyé par la souffrance, le serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur. A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés ». C’est une preuve de l’espérance que de leur souffrance peut naître le bien. Une souffrance vécue avec Dieu n’est jamais vaine.
Soyons des hommes et des femmes de l’espérance !
Abbé Justin Olalèyè OSSE