Homélie du 2ème dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique C
Chers frères et sœurs, bonjour ! merveilleuse année à vous !
« Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui »
Cette phrase qui achève la péricope de l’évangile que nous venons d’entendre contient deux éléments : la signification théologique de l’évènement de Cana et la conséquence anthropologique de cet évènement. En mettant Dieu en rapport avec l’homme les textes de la liturgie de ce jour, sous ces deux prismes, posent le problème de la nature de la relation que Dieu entretient avec l’homme. L’analyse de cette relation divine et humaine à partir des noces de Cana nous permettra de cerner sa nature et ses richesses.
Si le regard théologique de l’évangéliste Jean découvre dans les noces de Cana la gloire de Dieu, c’est parce que cet évènement des noces constitue pour le Christ Fils de Dieu, l’un des meilleurs lieux de révélation de son identité divine et d’annonce des points saillants de son ministère. Par ce miracle il se manifestait comme Dieu. La présence de ses disciples à ces noces indique que sa personne impressionnait ceux qui le voyaient ou entendaient parler de lui. Mais les disciples ne pensaient peut-être pas suivre Dieu. Il est irréfutable que le miracle de Cana a révélé après tout à ses disciples la puissance miraculeuse du Christ. Depuis ce premier signe ils ont commencé par croire en lui.
A travers ce miracle, le Christ a marqué la différence qui existe entre lui et les autres invités. De telles actions ne pouvant venir que d’un plus puissant que l’homme, les mariés avaient certainement aussi compris qu’ils avaient un homme de rang extraordinaire et d’ordre divin à leurs noces. Ce qui signifie que la charité leur a valu la présence agissante de Dieu. Dieu a ainsi récompensé leur générosité en leur donnant un vin d’une excellente qualité. De plus le changement de l’eau en vin par le Christ a épargné à ces mariés et au maître du repas l’humiliation et les critiques des invités. Au contraire, ils ont été couverts d’honneur et de gloire. Ce rôle Sauveur joué par le Christ a une signification sacramentelle et ecclésiale. Il annonce l’importance de la présence de Dieu au cœur des ménages et dans la vie des couples. Le Christ présent dans la vie des couples par le mariage et invité par la prière quotidienne apporte des solutions salvifiques à leurs difficultés quotidiennes.
Les divers éléments : l’eau, le vin, les cuves d’ablution rituelle juives, les serviteurs et même Marie convoquée à la manifestation de sa gloire ont la capacité de renvoyer dans cet événement introductif de la mission du Christ, aux sacrements de l’Église et à leur fonction ainsi qu’à l’importance de Marie dans cette Église. Alors qu’ils ont contribué à assurer la joie terrestre et la vie temporaire les sacrements communiqueront la grâce de Dieu et de manifester sa gloire éternelle. La grâce de cette vie éternelle passe mystérieusement par ces éléments de notre monde ordinaire intervenant dans les sacrements pour nous atteindre comme les jarres d’ablutions des juifs ont été utilisées à satisfaire ces invités des noces et à sauver les mariés.
La prise en compte de tous les participants à ces noces par l’action du Christ préfigure l’universalité de la mission salvifique du Christ. Non seulement les mariés et le maître du repas sont sauvés du déshonneur mais les autres invités aussi sont préservés de la déchéance des critiques malveillant à l’encontre de ces noces à cause de ce manque de vin. Dans cette même perspective d’universalité, le Christ n’a pas été le seul bénéficiaire de la gloire. Il a aussi glorifié tout ce qui ont goûté ce vin. Dans cette prodigalité et par la donation, le Christ est devenu le centre de l’évènement. L’invité est devenu celui qui invite. En sa personne et par sa présence Dieu convoque les hommes aux noces éternelles. Le symbolisme est grand. Le Christ est l’époux véritable et nous, les invités de Dieu, sommes en tant que corps constitué par la communauté des rachetés, le corps mystique du Christ, l’épouse. Il prend soin de l’Église comme dans ces noces il a pris soin de tous les participants suivant leur rang.
Par ailleurs, humble serviteur le Christ est aussi le vrai maître des noces. En son omniscience, il a une parfaite connaissance de tous les éléments de la nature et des besoins de chaque homme. Il sait convenablement ce qu’il faut servir à chaque instant. Il a en personne la capacité divine de faire venir ce qu’il faut selon le moment. Il peut employer « les biens inférieurs à révéler le Bien par excellence »[1] qu’il est en satisfaisant la plus grande créature qu’est l’homme.
Le grand besoin qui se dégage de ces noces est d’être avec Dieu, par le Christ. Ils ont besoin de le connaître, de naître avec lui et d’être permanemment avec lui pour une communion effective et parfaite. Les noces enseignent ces nombreux bienfaits de cette communion avec Dieu et combien elle est de nature sponsale. L’Eucharistie est le lieu par excellence où l’humanité et la divinité se rencontrent, se repoussent et où Dieu est glorifié par la transformation positive gracieuse et divinisante de l’homme.
Pour ce qui est d’ordre anthropologique, il faut noter que ce qui est advenu au niveau des disciples et qui est exprimé par la foi qu’ils ont eu, est une transformation. Ce qu’ils étaient avant la transformation miraculeuse de l’eau en vin est totalement différent de ce qu’ils sont devenus après le miracle. L’image d’homme qu’ils avaient du Christ s’est transformée en une figure divine. « Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». La foi qu’ils possèdent ainsi a transformé aussi leur esprit. Ce qui ne restera pas sans conséquence sur leur vie. Car la foi a la force de tourner vers Dieu et de disposer à sa grâce en établissant l’homme comme une demeure divine. : « Ceux qui croient en moi mon Père et moi viendront demeurer en eux ». La présence de Dieu féconde l’âme et l’enrichit par les multiples dons variés de l’Esprit saint. A cause de cela aucun véritable chrétien croyant ne peut prétendre être dépourvu de tous les dons. Assurément l’Esprit de Dieu réveille en nous les dons naturels. Il les entretient et les multiplie. Même si nous n’avons pas tous les dons, nous avons au moins quelque chose que nous devons nous employer à entretenir et à fructifier en le mettant au service du corps entier. Nous ne sommes pas les auteurs des dons c’est l’unique Esprit qui en donne. En les mettant au service de tous nous nous disposons à en recevoir davantage.
Frères et sœurs, Marie qui a reçu le grand don du service fidèle, le mettait déjà à Cana à la disposition de tous en allant dire au Sauveur Jésus Christ : « Ils n’ont plus de vin » et en demandant aux serviteurs de « faire tout ce que le Christ leur dira ». Puissions-nous suivre l’exemple de cette humble servante Marie notre mère capable d’hâter par ses intercessions les actions de Dieu en notre faveur pour faire connaître sa gloire au monde.
Père Mathieu HANGNOUN
[1] Concile Vatican II, Pastores Dabo vobis 30