7ème dimanche de Pâques 2019
Chers pères concélébrants,
Chères sœurs religieuses,
Chers amis séminaristes,
Et vous, chrétiens et chrétiennes, mes frères et sœurs, Loué soit Jésus-Christ !
Ce 7ème dimanche de pâques (Année C), vient comme pour clôturer les célébrations et les festivités pascales de l’année 2019. Cependant, le Mystère pascal restera toujours présent et ne cessera jamais de briller aux yeux de notre foi chrétienne. Car Pâques constitue l’Evénement central, le ‘’Meeting Point’’, comme dit Karl Rahner, de la foi catholique. A chaque Eucharistie, quel que soit le temps liturgique, et de par le monde, l’Eglise continuera à proclamer l’Exultet et l’Anamnèse, jusqu’à ce que Jésus revienne. Dans quelques jours, on peut éteindre dans les Eglises le cierge pascal et défaire l’ornementation ayant agrémenté la fête, mais l’événement pascal est ineffaçable, indélébile, car la Pâques est un fait, une réalisation définitive de notre salut. Alors…avant qu’il ne soit tard, je dis : ‘’Joyeuse Pâque à tous et à toutes !’’
Venons-en aux textes liturgiques de ce dimanche.
La première lecture, extraite des Actes des Apôtres, expose le récit combien triste et émouvant du martyre d’Etienne. Le motif ou le chef d’accusation qu’allèguent les meurtriers pour justifier leur crime, est que Etienne proclame que Jésus est vivant et assis à la droite de Dieu le Père. La foi en la Résurrection pouvait ainsi coûter la vie aux croyants. A partir d’Etienne et jusqu’à nos jours, d’innombrables chrétiens paieront de leur vie leur conversion et leur adhésion à la foi en la Résurrection. Consultez tout le Martyrologe de l’Eglise. Notre terre d’Afrique, elle aussi, paie de lourds tributs. (Rappelez-vous les martyrs de l’Ouganda, que nous fêterons demain, ou le martyre de Sœur Joséphine Bakhita, par exemple, entre bien d’autres. Rappelez-vous tout ce qu’endurent actuellement au nom de leur foi les chrétiens d’Inde, de Chine ou du Japon.) Chez nous au Bénin, de mémoire d’homme, nous n’avons pas connaissance de ce genre de persécution publique. Mais c’est que l’on tue plus subtilement, par empoisonnement par exemple. C’est le crime propre, insoupçonnable, même. Je vous ai parlé l’année dernière de la mort de l’Abbé Bernard HOUNSINOU, dont la photo pend encore au mur de la sacristie de Saint Gall : la tante que l’Abbé fréquentait le mieux, a accepté de l’empoisonner au ‘’KOKO’’, parce que ce séminariste a préféré faire sa prise de soutane en déclinant l’offre en mariage d’une belle fille que sa famille avait eu le soin de lui choisir.
Souffrir et mourir pour le Christ reste donc aujourd’hui un sujet d’actualité. Sans verser dans du fanatisme religieux, je pense, pour ma part, que donner sa vie pour le Christ, vaut mieux que mourir pour rien.
Le deuxième texte que nous venons d’entendre, celui de l’Apocalypse de saint Jean au chapitre 22, doit retenir lui aussi notre attention. Jésus dit qu’il revient, je cite : « avec le salaire » qu’Il distribuera à chacun « selon ce qu’il aura fait » de bien ou de mal, fin de citation. Croire au Christ, d’une foi vraie, intègre et intégrale (sans mener une double vie de chrétien le jour et la nuit être adepte de culte divinatoire) n’est pas perdant. C’est le jeu de ‘’à qui perd gagne’’.
Le texte de l’Apocalypse continue, je cite : « Heureux ceux qui lavent leurs vêtements pour avoir droit aux fruits de l’arbre de vie. » L’expression « laver leurs vêtements » évoque le Baptême, qui enlève le péché originel et confère à l’âme la sainteté. Mais le passage plus précis de l’Apocalypse chapitre 7, 9-14, je cite : « L’un des anciens prit la parole et me dit : ‘’Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? Je lui répondis : ‘’C’est toi qui le sais, mon Seigneur’’. Il reprit ; ‘’Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. Fin de citation.
Ce passage que nous écoutons à la Toussaint livre non seulement le sens du Baptême, mais surtout le Baptême dans le martyre. Du sang qui purifie à la manière d’un détergent ou de l’eau de Javel ! Ce ne peut être que le Sang de l’Agneau de Dieu. Le martyre, d’un catéchumène, par exemple, dispense du Baptême dans l’eau : il est baptisé dans le sang du Christ.
En somme, la souffrance et la mort dans le Christ conduisent sûrement à la gloire de Dieu. La première et la seconde lecture sont donc connexes.
Quant à l’Evangile d’aujourd’hui, il nous rapporte la dernière prière de Jésus, celle qu’il fait quelques heures seulement avant sa mort. L’Eglise a appelé cette prière « Prière de Jésus pour ses apôtres » ou encore « Prière sacerdotale ».
Décortiquons un peu cette prière dite sacerdotale pour en maîtriser la teneur.
- Qui priait Jésus ? Jésus adressait sa prière à son Père auprès de qui il était sur le point de se rendre sous peu.
- En faveur de qui Jésus priait-il ? Jésus priait pour ses apôtres ; pour ceux qui étaient avec lui, au moment où Il priait et aussi pour tous les âges d’apôtres qui s’ensuivront : « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, disait-il, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi. »
- Que demandait Jésus à son Père pour ses apôtres ? L’objet de la prière de Jésus pour ses apôtres était, je cite : « que tous, ils soient un, comme Toi, Père, Tu es en moi, et moi en Toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que c’est toi qui m’as envoyé… pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et Toi en moi. Que leur unité soit parfaite ; ainsi le monde saura que tu m’as envoyé ».
- L’unité des disciples de Jésus entrainerait-elle des conséquences ? Oui, je cite : « pour que le monde croie que tu m’as envoyé ». Cette préoccupation du Christ revient trois fois dans ce court texte. Autre but de l’unité des apôtres, je cite : « le monde saura que Tu m’as envoyé, et que Tu les as aimés comme Tu m’as aimé ». Quelle autre faveur Jésus implore-t-il à son Père pour ses disciples ? Voici, je cite : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi et qu’ils contemplent ma gloire ». Le ciel est donc assuré pour nous !
- Cette unité, vœu si cher à Jésus, s’est-elle réalisée dans l’Eglise depuis 2019 ans de son existence ?
A cette question, ma réponse est mitigée : je répondrais ‘’Oui et non’’.
Oui, parce que la Tradition apostolique ainsi que le dépôt de la foi, confiés à Saint Pierre par Jésus ont été transmis jusqu’à nous aujourd’hui en dépit de tant de crises ayant menacé de fragmenter l’Eglise. Oui, parce que le collège des évêques continue à jouer son rôle apostolique, qui est de trouver des solutions pour tout débat et d’affermir l’unité retrouvée.
Je réponds aussi hélas ! Non ! L’unité tant souhaitée par le Christ semble encore loin d’être réalisée. Car, l’Histoire de l’Eglise est émaillée d’une multitude de crises et mêmes de schismes. Car, l’Eglise elle aussi doit souvent, à bout de souffle, anathématiser, inquisitionner, exiler et même condamner à la guillotine.
Un survol très rapide de l’Histoire de l’Eglise peut nous donner une idée de combien l’unité voulue par Jésus est toujours mise à dures épreuves :
- Le problème de la circoncision préalable à l’accès des païens au Baptême, problème résolu par le tout premier Concile de Jérusalem en l’an 49 (c’est-à-dire au 1er siècle), a failli empêcher l’Eglise de se déployer dans son caractère universel.
- Le docétisme : « le Fils de Dieu ne s’est pas vraiment incarné, il a fait semblant d’être homme. » (2ème et 3ème siècle). Les Epîtres aux Colossiens et 1 Jean ont été opposées à cette hérésie. Cf. Christologie aux Conciles de Nicée (325) et d’Ephèse (431). Le docétisme et le Monophysisme y sont combattus.
Je saute plusieurs de ces hérésies des premiers siècles de l’Eglise combattues par des Pères de l’Eglise comme Saint Augustin, Saint Cyrille d’Alexandrie, etc.
- Du 8e au 11e siècle (850-1050) la fameuse et retentissante crise qui aboutit à la séparation avec l’Eglise catholique orthodoxe, qui rejette le Pape, son autorité, et Rome, et adopte Constantinople pour métropole, avec Athénagoras à la place du Pape.
- Notre saut, par-dessus des crises non moins importantes atterrit au 16ème siècle, avec la crise et le schisme de Luther. Séparé de l’Eglise, la Réforme qu’il organise va provoquer une fragmentation spectaculaire du Protestantisme ; aujourd’hui se regroupent sous l’appellation du Protestantisme : Luthériens, Calvinistes, Méthodistes, Baptistes, Assemblées de Dieu, Anglicans, Evangéliques, Presbytériens, etc.
- La division continue. Nous arrivons en 1975-1976 où Monseigneur Lefèvre revendique de retourner à la messe de Pie V en protestant contre les réformes du Concile Vatican II. C’est au Cardinal Bernadin Gantin que Rome a confié de prononcer l’excommunication de Mgr Lefèvre.
- Notre survol va prendre fin avec le phénomène récent, étonnant et spectaculaire de Gbanamè. En 2008, un schisme contemporain au Bénin. Dieu le Père, Créateur de l’univers serait devenu femme !
En résumé, l’unité recherchée par le Christ pour son Eglise est encore à dures épreuves et sa pleine réalisation n’est pas pour demain.
Est-ce à dire que Jésus n’a pas été exaucé par le Père ? Si ! C’est que le mal de la division, installé dans l’essence et dans la quintessence de l’homme, est de taille ; et son déracinement semble être eschatologique.
Alors, si depuis 20 siècles, l’unité des disciples du Christ reste encore à espérer, quelles contributions devons-nous apporter aujourd’hui pour hâter un tant soit peu l’accomplissement de ce vœu si cher à Jésus ?
Il est vrai que depuis le Concile Vatican II, l’Œcuménisme est né et va son petit bonhomme de chemin. Des confessions chrétiennes, telles les Orthodoxes et les Protestants dialoguent avec l’Eglise Catholique. Les Musulmans aussi font leurs efforts pour une amitié vraie avec l’Eglise catholique. Mais l’immense et multiforme peuple de gens qui se disent naïvement ‘’meilleurs adorateurs de Dieu’’ et que nous appelons simplement ‘’sectes’’ sont inconciliables parce que continuant et aggravant la situation.
Cependant, si chacun de nous chrétiens se dit à lui-même la vérité du fond du cœur, cultive une foi intègre et intégrale et cesse d’être partagé entre Dieu et les idoles (de richesse, de santé, de pouvoir, etc.) en se réconciliant avec son Dieu et avec lui-même ;
Si chaque famille, chaque foyer chrétien (Papa, maman, avec les enfants, avec même le Vidomègon et le gardien) s’aime et s’unit dans un vrai amour qui évacue la tricherie et l’infidélité, et ne cesse de se réconcilier en son sein et avec Dieu ;
Si chaque groupe de prière, chaque chorale ou même chaque communauté de base, ne considère pas l’autre comme un rival à vilipender, à détruire, mais à aider et à aimer ;
Si toutes les confessions chrétiennes entre elles, avec les musulmans, avec les religions endogènes, avec les religions asiatiques (et j’en passe) se dépassent, deviennent vraiment tolérants, s’ils se rapprochent dans un creuset de fraternisation, y aurait-il encore de guerre au nom de Dieu ?
Le radicalisme intransigeant et violent disparaitra, l’amour pur se généralisera et toute l’humanité entière retrouvera la paix avec et autour de Dieu, unique Créateur du monde.
Père Dorothée SEGNIHO