Homélie 30ème Dimanche du Temps Ordinaire C

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Bonjour, chers amis.

« Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé… La prière du pauvre traverse les nuées… »

Ainsi commence la première lecture de ce jour. Ces propos plantent le décor de ce que je choisis comme thématique des trois textes pour ma méditation en deux points : la pauvreté d’être, la prière de qualité.

Il ne s’agit pas de voir dans la pauvreté d’être une pauvreté ontologique – ce qui serait bien lamentable et déplorable – mais le dépouillement sincère, volontaire ou assumé, avec lequel l’on perçoit son être propre pour le porter dans l’existence. Peu importe que l’existence se déroule sous une bonne étoile ou pas, avec des conditions matérielles et sociales favorables à une vie heureuse ou bien malheureuse. Le plus important, c’est de se tenir devant sa source d’être comme s’en recevant. Toute la Bible insiste sur la prédilection de Dieu pour les pauvres, lui qui prend la défense de la veuve et de l’orphelin, qui délivre l’opprimé et l’étranger (catégories bibliques de la pauvreté), lui qui est proche du cœur brisé, et sauve l’esprit abattu, comme le décrit le Psaume 33, psaume responsorial d’aujourd’hui qui poursuit d’ailleurs en disant : « Quand le pauvre crie, le Seigneur entend ». Non pas que notre Dieu, qui aime tous ses enfants, préfère les pauvres. Dieu ne nous veut pas pauvre et malheureux pour nous aimer. Dieu ne préfère personne au détriment d’autres. Ben Sira le Sage le reconnaissait, en début de lecture : « Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. » Et s’il le dit, c’est justement parce que nous les hommes, esclaves de l’apparence, nous sommes plutôt enclins à faire deux poids deux mesures, à traiter nos semblables non pas en fonction de ce qu’ils sont mais de ce qu’ils ont. Mais, que nous ayons quelque chose ou pas, nous faisons l’objet de l’amour de Dieu ; et ce qui, en nous, dispose le plus à cet amour, c’est, quelque que soit ce que nous sommes et ce que nous avons, cette conscience de notre misère qui attire irrésistiblement sa miséricorde. Le publicain de l’évangile était un homme plutôt riche, à la solde du pouvoir politique, habitué à l’injustice, à l’escroquerie. Rien ne lui manquait, du moins sur les plans matériel et social. Mais si c’est lui qui est rentré du temple, justifié par Dieu, c’était en raison de la conscience qu’il avait de ce qui lui manquait. Il avait conscience qu’il était humainement pauvre, qu’il lui manquait assez de valeurs morales et humaines. Et il savait le reconnaitre devant Dieu : rien de plus fort que cette misère pour attirer la miséricorde ! Le pharisien était peut-être plus pauvre que le publicain matériellement, lui qui savait jeûner, faire l’aumône et observer les préceptes, et qui était, par surcroît, trop riche de lui-même. En vérité il ne savait pas prier.

En abordant le second point de ma méditation, je voudrais simplement énumérer quelques traits concrets en faveur de la qualité de la prière, si l’on veut faire une prière de qualité.

1° Le premier trait : La prière est un acte d’humilité et non une autocélébration devant Dieu et devant les autres. On ne prie pas pour être vu priant, ou pour que Dieu nous juge meilleur. On prie parce qu’on a besoin de prier, de se plonger en Dieu pour être soi-même. C’est d’autant plus vrai que celui qui est une fois blessé par cette habitude ne se retrouve plus pleinement dans sa journée, tant qu’il n’a pas honoré, peu importe le lieu et le moment, ces rencontres habituelles du Je-Tu recréatrices de la personne.

2° La prière est personnelle. On n’apporte le souvenir ou les images d’autrui devant Dieu que pour prier pour eux. On ne parle pas des autres à Dieu en les jugeant, comme le faisait le pharisien.

3° La prière est un lieu d’abandon de soi et de sa cause à Dieu. Voyez Saint Paul dans la deuxième lecture. Le temps de son exécution était proche. En écrivant, du fond de sa prison, cette 2ème lettre à Timothée, il se présentait comme déjà offert en sacrifice : « … tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux », écrivait-il. Cela rappelle Étienne, lors de son martyre ; Paul était là. Au moment de la mort, on remet tout à Dieu, on pardonne, on relâche. Mais pourquoi attendre d’abord ce moment décisif ? C’est pourquoi le 4ème trait.

4° La prière manifeste notre finitude. Nous ne savons pas tout, nous ne pouvons pas tout. Nous sommes limités, et nous disons : Dieu, viens à mon aide – Seigneur, à notre secours. Et plus nous faisons une expérience dramatique de la finitude, plus nous prions. Comme le disent les Allemands : Not lehrt beten (la détresse apprend à prier), raison pour laquelle nos églises sont encore remplies en Afrique. Mais si nous n’attendons que les situation-limites pour prier, quand elles nous feront dos par moment, nous perdrons notre centre de gravité. Puis elles pourront nous surprendre à nouveau, encore plus violemment. La prière n’est pas qu’un acte de supplication, c’est la présence à une Présence, c’est la rencontre de l’être fini avec sa plénitude. Les mots ‘‘prière’’ et ‘‘précarité’’ sont de la même racine latine (precor, precari qui veut dire supplier, implorer). Toute prière exprime notre conscience que tout passe et nous avec, que nous, avec tout ce que nous avons et sommes en plus de notre religiosité même, nous ne sommes que d’êtres précaires qui ne doivent leur consistance qu’à la Présence. C’est bon et plus beau d’entretenir constamment la communion avec cette Présence ; car quand tout aura passé, il ne restera que nous avec Elle, et Elle avec nous, et ce pour l’éternité.

Père Jean KINNOUME

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