Bonjour, chers amis et Bonne fête de Pâques.
Si j’étais un artiste, j’allais reproduire l’Evangile d’aujourd’hui en cinq différents tableaux de peinture. Malheureusement, je n’en suis pas un. Et j’ai recherché quand même des tableaux, les cinq différents tableaux. J’ai voulu les projeter sur le mur pour les commenter mais ça marche mieux la nuit qu’en plein jour comme ce matin. Je vais quand même en parler.
Le Premier Tableau : Les compagnons oisifs, le regard dans le vide
Le Deuxième Tableau : La pêche infructueuse, dans la nuit
Le Troisième Tableau : La pêche miraculeuse, au lever du jour
Le Quatrième Tableau : C’est le Seigneur… le petit-déjeuner avec l’Inconnu
Le Cinquième Tableau : M’aimes-tu ? Suis-moi !
Premier Tableau : Les compagnons oisifs, le regard dans le vide.
C’est un tableau de Albrecht Altdorfer, un allemand qui a peint ce tableau au XVIe S. Si vous voyez ce tableau, vous allez voir les disciples qu’on a cité, qui étaient là le regard dans le vide sous un arbre. On peut imaginer un peu ce qui se passait dans leur psychologie avec tout ce qui est arrivé. Ils ont suivi un homme, un jeune homme pendant trois ans, qui parlait bien, faisait des miracles ; ils étaient enthousiastes derrière lui, et puis voilà ce qui leur est arrivé. Donc quelqu’un qui faisait du bien et qui passait partout à faire du bien et qu’on a traité comme ça et qui a été vaincu, c’est-à-dire le bien n’a pas pu avoir la force d’évincer le mal, et le bien s’est laissé écraser, ce bien auquel ils avaient pourtant cru. Ils avaient beaucoup espoir en cet homme. C’était un peu comme les disciples d’Emmaüs qui parlaient et qui se plaignaient en chemin… Et puis ils étaient là le regard dans le vide. Il nous arrive parfois aussi d’avoir le regard dans le vide comme ça, d’être déboussolés. Et tous les moyens auxquels nous recourons pour sortir d’une situation paraissent vains. Et nous n’arrivons pas à nous en sortir et nous ne savons même pas à quel saint nous vouer, à quoi nous accrocher. Et même quand nous faisons du bien, c’est mal vu et c’est comme si c’est cela qui nous apporte encore beaucoup plus de malheurs. On se demande comme le Psalmiste : quand les fondations sont ruinées, que peut faire le juste disait le psalmiste ? On a le regard dans le vide, on prie, on prie beaucoup de neuvaines, on fait des Jéricho, et puis on demande des messes, on tourne en rond et tout est comme stagnant, et on se demande où l’on va ?
Un autre enseignement, c’est que quand tout s’était passé ainsi et qu’ils étaient plus ou moins déroutés, ils ne s’étaient pas isolés. Parfois quand nous rencontrons beaucoup de douleurs, de souffrances dans notre vie ; quand nous broyons le noir, nous nous enfermons en nous-mêmes, sur nous-mêmes, et nous nous isolons. Mais quand nous nous isolons, comment pourrons-nous rencontrer le Ressuscité ? C’est quand les Apôtres étaient comme compagnons d’habitude, compagnons d’infortune, c’est là, qu’en travaillant, en retournant à leur travail habituel ensemble, qu’ils ont rencontré le Christ. C’est ensemble, que nous pouvons vaincre la mort, les différentes morts qui nous rejoignent sur nos chemins. C’est ensemble que le Ressuscité pourra nous aider à nous en relever. Le travail est rédempteur. Et c’est ce que nous dit Saint Jean Paul II dans Laborem Exercens. Le travail a une dimension rédemptrice. Donc c’est par le travail qu’on ressuscite aussi.
Deuxième Tableau : La pêche infructueuse, dans la nuit
Saint Jean a eu le temps de préciser que c’était dans la nuit. J’ai vu un tableau de Claude Joseph Vernet qui date de 1800. Et on a vu les disciples se débattre sur une mer. Mais dans le noir, il y avait une lune derrière les nuages qui éclairait le tableau et c’était beau. Et on peut voir ses disciples, les visages vraiment crispés de fatigue et de déception. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient et ils n’ont rien eu. Le terme de la nuit revient dans l’Evangile de Saint Jean plusieurs fois. Nous avons vu Nicodème (Jn 3) qui est allé voir Jésus de nuit. Nous avons vu Jésus aussi marcher sur la mer la nuit (Jn 6). Et puis, au niveau de la guérison de l’aveugle-né (Jn 9), on a vu Jésus qui disait d’ailleurs ‘‘Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit vient où nul ne peut travailler’’ (Jn 9, 4) ; donc on n’arrive pas à travailler de manière fructueuse dans la nuit, la vraie nuit au sens métaphysique du terme. Et ce sens métaphysique c’est surtout dans notre cœur que se passe cette nuit ; ainsi il peut faire nuit pour quelqu’un qui est en plein jour, mais qui vit dans son cœur un noir très profond. Et c’est cela le sens métaphysique du terme quand nous traversons la nuit, la nuit de foi, la nuit de désespoir, de défi. Dans ce contexte, qu’est-ce que nous avons à faire ? Nous avons à persévérer comme les Apôtres. Les Apôtres, ils n’ont rien trouvé mais ils ont travaillé toute la nuit, ils ont passé toute la nuit sur la mer à travailler sans rien trouver. Donc, persévérer, même quand la nuit est là. Même quand tout est noir, il faut savoir que le jour s’élèvera, et persévérer dans la nuit, durer dans la persévérance. Il est vrai que dans la nuit, il y a les forces des ténèbres mais surtout se rappeler qu’il y a eu la nuit de Noël, qu’il y a eu aussi la nuit de Pâques ; c’est parce que Dieu sait que dans la nuit, nous n’arrivons à rien faire qu’il est venu s’incarner chez nous dans la nuit, qu’il est venu nous racheter aussi dans la nuit, et qu’il a sanctifié la nuit et quand nous avons foi en lui, nous pouvons traverser toutes les nuits de notre existence vers le jour du ressuscité.
Troisième Tableau : La pêche miraculeuse, au lever du jour
Jour de la résurrection, jour de l’inconnu. L’inconnu, quelqu’un qu’on ne connait pas au bord de la mer, au bord du lac et puis le jour que se lève qu’on ne connait même pas. On a passé des jours à ne rien trouver, et puis un nouveau jour se lève. Un jour inconnu : Un jour nouveau commence, un jour connu de toi, Père. Nous l’avons remis d’avance en tes mains, tel qu’il sera. Peut-être que cette année nous sommes en train de passer, de finir l’année comme si c’était dans la nuit, on ne sait pas le jour qui va se lever sur les vacances et sur l’année 2022-2023. Mais ce jour est connu du Seigneur, un jour connu de lui. Et nous le remettons d’avance en ses mains. Tel qu’il sera. Et si c’est entre ses mains, ce sera beau ; n’ayez pas peur, le jour de l’inconnu c’est le jour de la résurrection. Et voilà l’inconnu qui, de la beige, recommande de jeter le filet à droite, et puis ils l’ont fait et les visages se décrispent, lumineux d’étonnement. La pêche miraculeuse se reproduit. L’amour reconnait le Ressuscité, on ne peut rien faire de bon et de grand sans amour, et c’est avec cet amour que déjà le disciple bien-aimé a cru, quand il a vu les linges dans le tombeau vide.
Quatrième Tableau : C’est le Seigneur… le petit-déjeuner avec l’Inconnu
C’est avec cet amour du disciple bien-aimé, nous aussi, quel que soit ce que nous vivons, nous pouvons voir les signes du Ressuscité dans notre vie ; parce que Dieu est en train de nous faire beaucoup de choses que nous ne voyons pas souvent et nous regardons ce qu’il fait pour les autres. On ne voit mieux qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux, disait Antoine de Saint-Exupéry.
Et Pierre bondit vers le Seigneur. Il y avait le feu au bord du lac : le pain et le poisson ; voilà ce que fait l’amour du Seigneur, le petit-déjeuner pour ses disciples. Ils ont travaillé toute la nuit et il leur a préparé à manger ; et puis du pain, du poisson, de la braise… tout était merveilleux pour eux, et ils n’avaient pas à réaliser ce qui se passait. La connaissance intuitive du Seigneur. Personne n’osa lui demander : qui es-tu ? Quand tout cela sera rassemblé, on sait que c’est le Seigneur. Dans notre vie, nous ne rencontrons pas que des noirs, parfois nous rencontrons aussi beaucoup de signes manifestes de la vie de Dieu, de l’appel de Dieu, de l’amour de Dieu pour nous et quand il en est ainsi, sachons reconnaitre que c’est lui et suivons-le simplement.
Cinquième Tableau : M’aimes-tu ?. Suis-moi !
Dieu ne fait pas de reproche avant de pardonner ; on se rappelle le père de l’enfant prodigue. Il ne lui a fait aucun reproche. On peut contempler ici la délicatesse de Dieu. Autour d’un feu, Pierre a renié son Maître; autour d’un feu il devra simplement réparer par la triple profession d’amour : c’est la délicatesse de Dieu. Le Seigneur a fait son feu et lui demande « m’aimes-tu ? », « m’aimes-tu ? » et après « m’aimes-tu ? » et après il lui dit suis-moi ». La triple demande. Il est vrai que, comme nous le savons, quand Jésus lui posait la question il lui disait : « agapas méi » ‘‘est-ce que tu es prêt à m’aimer jusqu’à la mort, à mourir pour moi ?’’ ; Agapè c’est l’amour sacrificiel ; ce n’est pas l’amour d’amitié, j’aime le poulet parce que c’est délicieux ou bien j’aime la métaphysique, j’aime tel… tel ami. Ce n’est pas cela, comme c’est le cas quand on emploie « philéo ». Jésus n’a pas dit « Philéis méi », il a plutôt dit « Agapas méi ». Mais pour répondre Pierre lui disait : « Philéo sé » ; Pierre ne disait pas « Agapao sé » ; il avait peur. Comment il va me dire de l’aimer jusqu’à mourir ?. Mais finalement, Jésus a dit : « Philéis méi ? ». Donc Jésus n’a plus utilisé pour la troisième fois « agapas méi » ; et Jésus est descendu à son niveau et il a accepté en disant : « Panta ginoskéis » Tu connais tout, tu sais tout Seigneur, tu sais que je peux te renier, tu sais que je peux avoir peur, tu sais tout donc tu me connais ; mais tu sais aussi que je t’aime. Nous aussi, comme je le disais au début, on nous appellera à répondre de la même manière à la question « m’aimes-tu ? », qu’est-ce que nous allons répondre ? A nos ordinations nous disons ‘‘Oui, je le veux’’ au lieu de ‘‘Oui, je t’aime’’. En effet, que peut notre volonté ? Pierre était plein de bonne volonté, il dit Seigneur, je veux mourir pour toi, et après il a fui. Et si à nos ordinations nous disions plutôt ‘‘Oui, je t’aime’’ au lieu de ‘‘Oui, je le veux’’ au Seigneur. Si c’était cela, peut- être que par l’amour on ira plus loin ; mais c’est à creuser davantage…
Que le Seigneur nous aide à l’aimer, à l’aimer de surcroît et que ce soit par cet amour que nous acceptions toutes les croix liées à nos conditions de vie et à nos vocations pour aller plus loin dans son service et dans son royaume. Amen !
Père Jean KINNOUME