Si l’immobilité est signe de mort physique, l’absence de pensée en est un autre plus grave, d’autant plus qu’elle ne matérialise pas seulement ou d’abord la mort biologique, mais la mort de l’existence en tant qu’activité, même si le souffle respiratoire continue son œuvre chez l’humain. C’est dire toute l’importance de la pensée qu’il faut aussi distinguer de la répétition paresseuse et passive d’une pensée. Cette pensée est spécialement et hautement à l’œuvre dans la Philosophie qui donc est une activité vitale, vitalisante et vivifiante. Ainsi, l’Unesco organise-t-elle depuis plus d’une dizaine d’années la Journée Mondiale de la Philosophie pour la vie du monde, la vie des humains.
C’est dans cette optique que s’est inscrit le Grand Séminaire Philosophat Saint Paul de Djimè et nous voici déjà à la 2ème édition de la célébration à l’interne de cette journée sous le thème : « Comprendre le totalitarisme moderne ».
Commencé effectivement à 15h30 comme prévu, la célébration vit son ouverture avec la prière d’invocation à l’Esprit Saint, l’Esprit de Lumière et de la Sagesse, dirigée par le Père Grégoire ADOUAYI, Recteur de notre institution. A sa suite, comme annoncé dans le programme de la Journée, nous avions écouté le Père Aurel AVOCETIEN, Directeur des Etudes, pour son mot d’ouverture dans lequel, il revint sur l’importance capitale de la philosophie pour la vie du monde, laquelle importance se trouve en contraste avec le désamour dont elle est souvent victime. Mais un tel contraste ne remet pas en cause la place irremplaçable de la philosophie qui est plus qu‘un sujet académique, en ce qu’elle permet de vivre de façon meilleure. Le Directeur des Etudes avant de souhaiter à tous une fructueuse journée, présenta le programme d’activités de la journée qui renferment principalement la présentation de l’historique de la Journée Mondiale de la Philosophie, la visualisation du Film ‘’De la servitude moderne » de Jean-François Brient qui entretien un lien vivant non seulement avec le thème retenu dans notre Philosophat mais aussi avec les thèmes proposés par l’Unesco pour la célébration de cette édition de la Journée Mondiale de la Philosophie. La philosophie étant un outil précieux pour penser le changement, selon Audrey AZOULAY, beaucoup de réflexions se feront à partir de ce film, réflexions qui seront constituées de débats en promotion autour de thèmes précis et dont le point culminant sera la table ronde qui rassemblera formateurs et étudiants pour le même exercice. Par ailleurs, pour mieux profiter du temps limité dont nous disposons pour la Journée, le Directeur des Etudes lança une exhortation à la concision et précision dans les interventions à suivre.
Aurel SOKOUDA fera preuve d’une telle disposition économique dans sa présentation de l’historique de la Journée Mondiale de la Philosophie qu’il intitula : « Penser pour panser : légitimité d’une Journée Mondiale de la Philosophie ». Sa présentation suivit un plan tripartite constitué des grands points suivants : le pré-contexte, le contexte et les objectifs escomptés dans le projet d’une telle journée mondiale. En résumé, il nous renseigna que célébrée à l’interne par l’Unesco à partir de 2002, la journée fut étendue au monde entier en 2005 par le Conseil exécutif de l’UNESCO a sa 169ème session suite à la double requête du royaume de Maroc, mais aussi dans l’espoir de mettre fin à la crise humaine qui prit les visages de guerre mondiale, guerres internationales ou régionales, Traite négrière, colonisation, xénophobie et cetera. Les objectifs justement se résument donc comme suit : renouveler l’engagement à divers niveaux en faveur de la philosophie, encourager la recherche pour mieux répondre aux grands enjeux et défis contemporains, sensibiliser l’importance de l’usage critique de la raison à l’ère de la mondialisation, généraliser l’enseignement philosophique pour les générations futures.
L’enjeu de l’usage de la philosophie est toujours plus de taille en notre siècle, comme nous l’a montré le film « De la servitude moderne » de Jean-François Brient dans sa présentation du triste mais profond tableau de la vie d’esclavage que nous menons ou plutôt que nous font mener le système totalitaire marchand. Il s’agit d’un asservissement général et total notamment sur les plans politique, économique, alimentaire, sanitaire, ludique, industriel, scientifique et même intellectuel, où l’homme, esclave moderne volontaire et conscient de son aliénation et de son exploitation, choisit pourtant son maître et mettre tout en œuvre pour y demeurer consciemment ou inconsciemment. Ce constat appelle des réflexions urgentes. Ainsi, les trois promotions réunies respectivement autour des sous-thèmes : « Acteurs de l’asservissement de l’homme moderne » ; « Domaines d’asservissement de l’homme moderne » et « Stratégies d’asservissement de l’homme moderne » ont pu confirmer, approfondir et aller au-delà des constats de Brient. La table ronde, dans sa première partie, nous donna les avis des formateurs sur le sous-thème : Comment sortir de la servitude moderne ? Le Père KEDE qui prit la parole en premier, signala l’orientation marxiste du film et émet quelques critiques : il doute d’une servitude qui serait volontaire et trouva que le film brillant dans sa présentation des faits manque de propositions pratiques de sorties de crises. Le Père GAINSI pense qu’il faut que l’humain demeure dans son humanité. Le Père OGOUGBE pour sa part invite à une prise au sérieux de la métaphysique pour une sortie de crise. Le Père AVOCETIEN tourna nos regards sur le terrain politique et propose une recherche de l’action commune de la majorité et sur plan éthique, un combat pour le sens s’impose à son avis. Enfin le père TECHOU, en anthropologue, insista sur l’urgence à sortir l’homme de nos structures pour y faire entrer l’humain. L’instant débat qui suit permit de mieux approfondir les riches apports de des pères formateurs. Il s’agit de revenir à soi, de prendre le chemin de l’ipsologie.
Puisque nous savons désormais que nous vivons dans une servitude totale et avons quelques approches de sortie d’état, allons-nous continuer d’y vivre ? Notre nouvelle manière de vivre dépendra de notre réponse personnelle.
Hervé E. T. SEHOUETO
Étudiant en Philo. III