HOMELIE DU HUITIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE C – 27 février 2022

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La clé de toute la liturgie de ce dimanche se retrouve au croisement de l’antienne d’ouverture : « Le Seigneur est mon appui : il m’a dégagé, m’a donné du large, il m’a libéré, car il m’aime » et de la collecte. La Parole de Dieu veut nous libérer de nos asservissements. Pour quel but ? Afin que nous connaissions d’abord « la joie de le servir sans inquiétude », et ensuite que « les événements de ce monde se déroulent dans la paix, selon le dessein » du Père (cf. Pr. d’ouv.).

Mes frères et mes sœurs, d’où viennent nos divisions, nos oppositions, nos conflits ? Elles viennent d’abord de nos divisions, nos oppositions, nos conflits intérieurs mal gérés, que nous projetons – individuellement et collectivement – sur notre entourage ! « Aucun homme ne peut servir deux maîtres », nous dit Jésus ; et pourtant, combien de faux maîtres n’avons-nous pas ? Tantôt nous aimons l’un et détestons l’autre, tantôt nous nous attachons à ce dernier et méprisons le premier. Tantôt à la messe, nous sommes profondément prêts à nous convertir, et tantôt nous nous attachons à nos vieux démons que sont nos haines et nos rancœurs.

Nous sommes sans cesse en contradiction intérieure, divisés entre nos multiples appartenances contradictoires. Tantôt chrétiens, tantôt païens. Nous présentons une apparence contradictoire avec nos pensées intérieures. La première lecture nous le signifie : nous nous présentons comme une farine unie et homogène mais « quand on secoue le tamis, il reste les déchets, de même les petits côtés d’un homme et d’une femme apparaissent dans ses propos quand on le secoue ».

Mais cette contradiction de nos vies nous vient de nos cœurs. L’évangile le dit : « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur ». Le monde d’aujourd’hui nous fait dire des choses qui viennent du cœur mais souvent des choses qui contredisent ce que porte notre cœur. Dans l’évangile qui nous appelle déjà à penser au discours du carême, Jésus nous parle en dernier du cœur comme le sommet de ses mises en garde : « l’homme bon tire le bien du trésor de son cœur et l’homme mauvais tire le mal de son cœur mauvais ». Jésus nous parle aussi de la bouche et des yeux. C’est l’invitation à ce que j’appelle “l’incarnation organique”.

Alors parlons de ces trois organes en lesquels Jésus nous propose de le laisser s’incarner pour le salut de notre entourage et de nous-mêmes.

Comme je le soulignais plus haut, le cœur est le siège des sentiments, des idées, des projets et des décisions et surtout des guerres et des divisions. C’est le lieu du dialogue intérieur avec soi-même dans le silence des mots. C’est aussi le lieu de la rencontre de Dieu dans le silence profond. Mais le cœur est généralement malade. Jésus dit que du cœur, procèdent les mauvais desseins, les meurtres, l’adultère, le vol, les faux témoignages, les jalousies et les diffamations. Le cœur est double, capable de s’endurcir, de se fermer et juste après de se convertir ou d’être bon. Et donc l’appel de l’évangile est de cultiver un cœur bon afin de produire des fruits bons, des trésors.

Si je prends l’habitude de cultiver et de nourrir mon cœur de pensées et projets de rancune, de haine, de colère et de méchanceté, de vengeance, je n’aurai qu’un cœur mauvais. Et ma vie sera toujours une série de nœuds. Si je veux être le chrétien attendu par Dieu, le disciple qui doit être le lieu de l’Emmanuel, celui qui doit permettre à Jésus de s’incarner dans le monde de ce jour, dans son entourage, dans ses relations, c’est en cultivant la bonté du cœur et donc en passant mon cœur chaque jour au ‘’tamis’’ pour faire tomber les déchets de haine, de mauvaises paroles encaissées, de mauvais projets, de rancœurs qui me rendent inutilement esclaves de mes pensées. L’incarnation n’est possible ou nous devenons de vrais chrétiens que quand nous essayons et luttons pour être un gbétodjogbèto, un homme de bon cœur, rempli d’amour, un cœur qui symbolise véritablement le signe de l’amour et qui ne déborde que de paroles d’amour. Ainsi, nous abordons la question de l’autre organe que Jésus veut incarner : la Bouche.

La première lecture nous montre que la bouche ne fonctionne pas de façon autonome mais qu’elle est liée au cœur. Le psaume 55, 22 disait : « Plus onctueuse que le miel est sa bouche et son cœur fait la guerre. Ses discours sont plus doux que l’huile et ce sont des poignards ». La bouche a double fonction comme le cœur. Elle peut parler vrai mais aussi elle peut parler faux. Cela dépend du cœur qui l’influence. Si mon cœur déborde de bonté et de paroles d’humanité, ma bouche laissera Jésus parler, mais si mon cœur déborde de méchanceté de haine, de rancunes, de paroles mauvaises et méchancetés, de vengeance, ma bouche laissera parler le diable.

Mais il faut reconnaître aussi que le cœur se nourrit souvent de ce que les yeux voient et que la bouche prononce. Les yeux ne fonctionnent que selon la lumière soit du corps soit du cœur. « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? ». Il faut donc que quelqu’un nous guide vers Jésus pour être lieu de l’incarnation. Ce qui suppose que ce quelqu’un doit aussi être le lieu de l’Emmanuel. Mais la condition d’être le disciple guide comme son maître, devant conduire ses frères et sœurs au maître, c’est qu’il faut se former. Toute formation est réception de la lumière. Mais si tu parais plus illuminé que la lumière et incapable de revoir remarques et bonnes paroles constructives de l’autre, comment pourrais-tu contempler l’Emmanuel dans l’autre ? Quand l’œil du cœur est illuminé par la bonté propre du cœur de l’homme, ce dernier voit et engendre l’humain à la vie de Dieu. Or l’homme qui produit du mauvais et de la rancœur, ne voit pas parce qu’il cultive des obstacles et des dangers qui freinent la Lumière. Nous avons nos poutres que nous justifions comme nos caractères, nos habitudes qui nous empêchent de voir la présence de Jésus dans l’autre et en nous-mêmes.

Pour ôter notre poutre, il nous faut d’abord le reconnaître, ce qui nécessite une vérité sur nous-mêmes. C’est le manque de vérité ou le refus de cette vérité que nous affectionnons parce que ça semble nous dispenser de nous juger mais nous rend prompts à juger l’autre avec sa paille, ce refus qui nous empêche de voir et d’aider l’autre aussi à voir. « Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil, alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère ». Même si je pense et suis convaincu que je n’ai qu’une paille dans l’œil et que c’est l’autre qui a sa poutre, Jésus recommande que je me laisse retirer ma paille. Jésus n’est Sauveur pour nous que par le frère qui a eu l’audace de retirer sa poutre par la culture d’un cœur bon et humain. Seul celui-là peut avoir la victoire sur le mal dont nous parle saint Paul dans la deuxième lecture. Prenons une part toujours active à l’œuvre de « l’incarnation du Seigneur », et notre peine quotidienne de culture de bon cœur à travers des paroles de paix et d’amour dans la contemplation de l’autre comme Présence de Jésus.

Mon frère, ma sœur, mon ami, cette victoire je te la souhaite cette semaine en fin de l’exercice que l’Esprit Saint nous propose (Première lecture : Si 27,4-7 ; Psaume responsorial : Ps 92 Deuxième lecture : 1 Co 15,54-58 ; Evangile : Lc 6,39-45).

  1. Fais attention aux regards que tu poses sur toi et sur ton frère et sœur et cherche à contempler en celui qui te blesse ou t’a blessé (e) le visage de Jésus Emmanuel.
  2. Tente de partager des paroles de pardon et de réconfort à celui qui t’a offensé (e) ou qui est dans la détresse.
  3. Offre à Jésus toutes les rancœurs, toutes les haines et les paroles mauvaises encaissées ou prononcées afin de te libérer.

Ce faisant, tu serviras ton Seigneur sans inquiétude et les événements de ton monde se dérouleront dans la paix pour toi et autour de toi.

Bonne chance pour cet exercice introductif au temps de carême.

Je te souhaite une belle entrée en carême.

Père Grégoire-Sylvestre GAINSI

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