Chers frères et sœurs en Christ,
Dimanche dernier 2 Février, nous avons vécu une solennité : le Christ présenté au temple fut reconnu et désigné comme la Lumière des nations. Aujourd’hui dimanche 9 Février, c’est ce Christ qui nous déclare : « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ».
D’entrée de jeu, chers frères et amis séminaristes, je trouve providentiel que le Seigneur nous adresse ces paroles en ce moment où nous voulons démarrer le 2nd semestre. Nous venons de finir les examens du premier semestre. L’idéal serait d’aller s’aérer le cerveau hors de ces murs du séminaire, mais comme vous le savez, pour motif de l’UCB, nous avons dû prendre nos congés de détente auparavant. Et trop se détendre n’est pas bon. Alors, finis les 1ers examens et quelque soient leurs résultats ! rendons grâce et demandons la force au Seigneur pour les examens à venir, non seulement pour les examens académiques, mais aussi pour toute notre vie qui, à sa manière, est un examen. Avant tout, je vous souhaite un fructueux second semestre, plein de bénédictions divines pour chacun et pour tous !
Pourquoi trouvais-je providentielles les paroles du Seigneur pour nous en ce moment ? Vous aurez ma réponse dans la suite de ma méditation. Mais d’abord, comment comprendre ce symbolisme du sel et de la lumière ?
A ce sujet, j’ai interrogé un peu les exégètes et biblistes qui m’ont dit ceci : le sel jouait déjà un rôle important dans l’Ancien Testament. Tout sacrifice devait être salé de sel (Marc 9 :49), non seulement les offrandes de gâteau (Lévitique 2,13), mais aussi les holocaustes (Ézéchiel 43,24), et même l’encens saint (Exode 30,35). Exercer le service du temple sans sel était de fait impensable (Esdras 6,9 ; 7,22). De plus, le sel servait à confirmer les contrats et les alliances, les rendant, en figure, durables et stables (Nombres 18, 19 ; 2 Chroniques 13, 5). Le prophète Élisée assainit les eaux de Jéricho en jetant du sel dans l’eau de source (2 Rois 2,19-22). Le ‘sel’ représente un principe conservateur agissant contre la corruption et la pourriture. Le sel ne peut pas rétablir ni guérir ce qui est déjà corrompu, mais il peut maintenir en l’état ce qui est encore bon.
Le sel est discret contrairement à la lumière qui ne peut être cachée. Le symbolisme de la lumière est encore dense, mais pour faire bref, disons comme nous le savons, que la lumière éclaire, elle chasse les ténèbres. « In lumen tuo, vidimus lumen : dans ta lumière, nous voyons la lumière » était la devise épiscopale d’un évêque béninois défunt rappelé à nos mémoire le mois dernier.
Chers frères et sœurs, pour nous aujourd’hui en 2020, quelles implications peut avoir l’invitation du Christ « être le sel de la terre et la lumière du monde » ? Comment puis-je moi être sel de la terre et lumière du monde ? Je voudrais en ce sens nous proposer trois idées mais qui en réalité constituent une même réponse.
– La première idée est de : « faire le bien » : cette suggestion m’est inspirée par l’évangile de ce jour où Jésus conclut ses propos en ces termes : « en voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire à Dieu ». Faire le bien peut sembler vague, alors appelons au secours notre créativité. La créativité, c’est de passer du connu à l’inconnu pour rendre l’inconnu connu. Ce que tu peux faire de bien devant chaque problème, devant chaque souffrance humaine, à toi de l’inventer, mais en t’appuyant toujours sur le Christ qui passait partout en faisant le bien. Être faiseur de bien ne se limite pas à distribuer des biens matériels, mais aussi à apporter un supplément d’âme. Devant une jeunesse livrée à la drogue et à la prostitution, Jean Bosco a inventé son amour pour les jeunes. Il en est de même d’une Madre Teresa, d’un Vincent de Paul et de beaucoup d’autres saints. Notre monde a connu beaucoup de progrès, mais le bien n’y a pas encore beaucoup progressé. A ce sujet, il y a encore beaucoup de chantiers en attente. Récemment, j’ai vu circuler sur les réseaux sociaux un message des jeunes béninois qui appellent la CEB au secours par rapport à la question de l’alcoolisme, gangrène qui est en train d’envahir leur monde. Par ailleurs, il semble que la drogue s’infiltre de plus en plus dans nos écoles au Bénin sous forme de bonbons, de comprimés, etc… A ces niveaux aussi, il peut y a voir quelque bien à faire. A toi de l’inventer, de le créer. C’est en étant faiseur de bien que tu deviens un authentique témoins du Christ. Notre monde a plus besoin de témoins que de maîtres comme disait Jean Paul II. Professer est plus facile, dire de belles paroles, ok, mais y a-t-il cohérence entre ce que dit ma bouche et ce que dit ma vie ? Que le Seigneur aide chacun et chacune à être authentiquement faiseur de bien.
– La deuxième idée pour être sel de la terre et lumière du monde m’est suggérée par la 1ère lecture (tirée du livre d’Isaïe 58, 7-10): « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore…. fais disparaître de chez toi le geste accusateur, la parole malfaisante, comble les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. » Les 2 premiers versets qui précèdent cette lecture que nous avons l’habitude d’entendre durant le Carême montrent cette incohérence de vie que Isaïe dénonce chez ses contemporains : ‘vous voulez plaire à Dieu, alors vous faites des jeûnes spectaculaires, mais « Vos jeunes se passent en querelles et disputes, vous jeûnez en distribuant des coups de poings sauvages. Est-ce ce jeûne qui plaît au Seigneur ? Non, cela s’appelle hypocrisie. Le jeûne qui plaît au Seigneur est tout geste qui vise à libérer nos frères, nos sœurs, les personnes sans défense. Cela rappelle à ma conscience que des fois nous avons des familles amies qui nous réservent des accueils de prince. Mais ces familles ont peut-être un domestique, une bonne ou un Vidomegon comme on dit chez nous (i-e enfant sous tutelle). A moi prêtre, séminariste ou religieuse, ces amis témoignent une grande bonté, mais quand je tourne le dos, c’est peut-être l’enfer permanent qu’ils font subir à ce domestique, à cet enfant sous tutelle sans défense. Au nom de mon amitié et des avantages dont je bénéficie auprès de cette famille, dois-je rester indifférent à de telles situations ? Sel de la terre et lumière du monde, que faire ? Peut-être leur faire savoir qu’ils peuvent se sanctifier à travers le bien qu’ils feront pour ces personnes en position fragile, au lieu de se damner en les torturant. Seigneur, aide-moi à aller au secours de tout malheureux que tu mets sur mon chemin.
– Pour être le sel de la terre et la lumière du monde, ma troisième suggestion est d’être des engagés : chrétiens engagés, séminaristes engagés, religieuses ou prêtres engagés. Le sel et la lumière n’existent pas pour eux-mêmes, ma vocation n’est pas pour moi-même, mais pour les autres. Et vous chers amis séminaristes, c’est à cause de cette idée d’engagement que je qualifiais de providentielle l’invitation du Christ. Un nouveau semestre est une nouvelle chance. C’est le moment de nouvelles décisions et de nouveaux engagements. Être ensemble est une chance, mais nous ne pourrons ne pas être sel et lumière de la même manière. Dieu n’est pas une machine d’usine qui fabrique le même produit en série ; il est le potier qui prend le temps qu’il faut pour modeler chaque être. Chacun est porteur d’un message unique de la part du Créateur pour l’humanité. C’est pourquoi autant chacun doit s’efforcer de se connaître. Nous sommes tous appelés à être des témoins, mais il y a de nombreuses formes existentielles de témoignage (…) (Gaudete et exultate). Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission. (…) ta propre mission est inséparable de la construction de ce Royaume. Alors chers frères et sœurs, en ce dimanche où Jésus nous dits que nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde, faisons face à nous-mêmes et interrogeons-nous sincèrement. Quelle est ma mission dans ce monde ? (Ne nous contentons pas de faire comme l’homme qui pensait avoir été créé par les apprentis de Dieu. Blague à part comme on dit chez nous). Quelle mission suis-je?, quel aspect de l’évangile suis-je appelé à refléter ?, quel projet de Dieu suis-je ? quelles sont mes qualités, quels sont mes défauts? qu’est-ce qui me motive intrinsèquement ? qu’est-ce que j’aime faire même sans en attendre un salaire ou quelque gratification ? Quel est mon rêve pour Dieu ? I have a dream disait Martin Luther King. Être prêtre signifie « rester ouvert aux surprises de Dieu qui nous pousse à être créatifs » (N’koué, 2018, 3). Moi j’ajouterais : Être chrétien, c’est rester ouvert aux surprises de Dieu qui nous pousse à être créatifs. Chers amis, Dieu a créé ce monde en travaillant. Nous ne pouvons pas y vivre en restant les bras croisés, en restant là, en spectateurs passifs à contempler les passants. « Si tu aimes la facilité, ta vie deviendra difficile. Si tu aimes l’effort, l’engagement, les défis de Dieu, ta vie deviendra facile. » (Brown).
Chers amis, il y a trop de défis dans le monde, il y a beaucoup à faire, ne perdons pas le temps dans des frivolités, dans des histoires inutiles de jalousie…. Médite et prie, et le Seigneur te montrera quel type de sel il veut que tu sois. Médite et prie, et le Seigneur te montrera quel type de lumière il veut que tu sois pour le monde non pour ta gloriole à toi, pour sa gloire à Lui qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen