Homélie du 4e dimanche du temps ordinaire B

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Homélie du 4e dimanche du temps ordinaire B

Bien aimés du Seigneur fils et filles de Dieu. La liturgie de ce jour semble proposer à notre médiation, la question du prophétisme. Je m’attèlerai avec vous à considérer d’abord quelques facettes du prophétisme en essayant de montrer ensuite comment la radicalité de la parole de Dieu se trouve confrontée à quelques nouveaux enjeux théologiques et pastoraux de l’Eglise. Ces deux ensembles, les sortes du prophétisme et les nouveaux enjeux théologiques et pastoraux susceptibles de les aménager, pourraient sans doute nous situer enfin sur le versant existentiel de notre pratique religieuse et ainsi nourrit notre itinéraire de foi.

Quelques formes du prophétisme

Saint Thomas dont nous faisons mémoire ce jour a clairement abordé la question du prophétisme dans un langage plus complexe. Il aborde les degrés du prophétisme, ces figures les plus nobles etc. La première lecture déploie, de son arrière-plan à sa facticité sémantique deux sortes du prophétisme. Notons que le prophétisme concerne principalement la connaissance d’une vérité surnaturelle qui se fait par plusieurs modes : la vision intellectuelle (contemplation de l’essence même de Dieu) et la vision de l’imagination. Au sujet de la vision intellectuelle, nous sommes en présence de la connaissance de la révélation dans sa forme la plus nue, dans sa forme la plus directe. Aujourd’hui Moise lui-même dit : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu se fera lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez ». Cette affirmation laisse envisager qu’auparavant l’on a assisté à une forme du prophétisme. En effet, Moise semble le seul prophète qui a pu parler face à face avec Dieu. « Le Seigneur lui parlait face à face, comme un homme parle à son ami ». Ex 39,11. Par le passé Hénoch et Abraham et d’autres furent certainement aussi appelés prophètes mais en réalité le véritable prophétisme commencerait avec Moise  » Il ne s’est plus levé, en Israël, de prophète semblable à Moïse  » (Dt 34,10). Ce verset fait qu’on le considère comme le premier et le plus grand des prophètes en Israël mais sous un autre rapport puisque Jésus lui-même déclara que Jean-Baptiste est le plus grand des prophètes. Dans le cas de Moise, tel que nous le montrons, il s’agit du prophétisme qui ne s’est pas fait sous le couvert de la vision, ni d’un songe ni d’une imagination. Saint Jean de la croix parle de la parole substantielle reçue par le prophète (voire La Montée du Carmel).

Aussi la requête des fils d’Israël à Yahwé en ce dimanche parait faire éclore cette première forme du prophétisme : « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir ». Rappelez-vous, que revenu de la montagne, Moise a dû se voiler la face, parce que le peuple lui-même ne pouvait pas supporter le rayonnement de son visage. Cette démission du peuple voile le caractère imminemment repoussant des entités sacrales en fonction desquelles se manifeste dans les religions primitives le fait religieux de l’homo religious comme le soutient Rudolph Otto. Ce désistement exprime donc l’élément du tremendum qui caractérise le phénomène du sacré (peur, grandeur (majestas) et énergie). Ce sentiment de peur, ce sentiment repoussant prend dans sa forme rudimentaire et préliminaire des dénominations de terreur sacrée (pavor sacer), de terreur numineuse, de terreur démonique, de l’orgè comme colère de Dieu ou de l’ira deorum qui finalement parvient à un degré plus élevé d’effroi mystique ressenti par l’homme comme expression de son état de créature. Cette fuite du peuple au regard de la force et de la terreur qu’il ressent vis-à-vis de Dieu exprime le caractère inaccessible de Dieu. Mais cette dimension de tremendum de la réalité du sacré suppose aussi celle du mysterium faite de fascination (fascinans) et de valeur (Augustum). A la transfiguration les apôtres apeurés, étaient éblouis par la forte lumière glorieuse, mais ils auraient aussi aimé rester là pour toujours.  Pour le cas actuel du désistement du peuple, à cause du caractère repoussant de la voix et de la flamme, Yahwé lui-même comprend l’homme : « Ils ont bien fait de dire cela ». Dieu valide le refus de sa gloire extrême que l’homme ne peut supporter et accepte l’institution d’une autre forme ou facette du prophétisme. Il n’est pas exclu que Moise ait aussi connu cette autre forme du prophétisme.

Cette seconde forme du prophétisme se fait par la vision de l’imagination ou vision imaginative. La connaissance de la vérité intelligible par ce mode dispose le prophète à accueillir la parole de Dieu et à la transmettre au peuple afin de l’édifier, de l’exhorter et de l’encourager.   Mais ce moyen de connaissance a aussi des degrés de pertinence selon Saint Thomas d’Aquin. La vision de l’imagination peut advenir par 1. le songe et la vision au cours du sommeil ou de l’état de veille, par 2.la diversité des symboles imagées, par 3.la perception de la Parole ou des actions symboliques (un homme s’entretient avec l’esprit prophétique ou lui montre quelque chose), par 4. un ange, ou quelqu’un qui a la forme de Dieu. La pertinence de l’inspiration prophétique est donc évaluée en fonction de ses degrés. La parole étant la symbolique la plus forte, la force de sa transmission est évaluée en fonction des actions symboliques lors du sommeil, de la vision ou de l’état consciencieux du prophète.

Radicalité de la Parole de Dieu et les conditions de son annonce

A ce second niveau comme on l’a signifié, Dieu montre qu’en validant lui-même son rejet par l’homme, il est conscient de l’acceptation de Dieu par ce même homme qui confesse la distance infinie entre lui et Dieu et le facteur d’inaccessibilité et de grandeur qui caractérise ce Dieu. Cependant, la nouvelle requête de l’homme, son désir de préférer un prophète que d’entendre la voix de Dieu, de voir sa grande flamme, cette requête que valide Dieu, instaure la médiation prophétique par la Parole de Dieu. Mais Dieu en donne les conditions de son opération : « Je mettrai dans sa bouche mes paroles. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte. Mais un prophète qui aurait la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui ai pas prescrite, ou qui parlerait au nom d’autres dieux, ce prophète la mourra ». L’accent est donc mis ici sur l’annonce radicale de la Parole de Dieu après son inspiration divine et les conséquences que subiront le peuple et le prophète. Notons par ailleurs que quelques aspects constituent les critères de plausibilité de la Parole du prophète : Après l’inspiration divine de la Parole, il y a l’annonce de la parole et le miracle qui l’accompagne. A la suite de la première lecture de ce jour, Yahwé lui-même dit au peuple que le miracle et l’accomplissement de la Parole proférée par le prophète est la seule condition de sa véracité. N’oublions tout de même pas que de faux prophètes ont semblé faire des miracles. Ce qui nous intéresse ici dans l’institution de cette seconde forme de prophétie est la condition que Dieu pose.  Chacun a sa part, d’abord l’écoute du peuple, et l’obligation pour le prophète de ne rien dire autre que la Parole de Dieu. Le fait d’enseigner de façon stricte ce que Dieu a dit est une condition préalable pour le prophète.

Jésus un prophète Dieu

Il se note aussi qu’après la forme du prophétisme primordiale, celle directe qui voit l’essence de Dieu et nous en donne sa Parole et celle qui se fait par la médiation prophétique, il y a l’annonce et le miracle comme signifié plus haut. A travers les prophètes, la gloire de Dieu s’efface et la Parole de Dieu s’exprime maintenant dans la forme simplement humaine. Dans l’Evangile, Jésus représente le condensé de la gloire de Dieu, caché et proche de l’homme. L’Evangile de ce jour nous montre que nous ne devons pas prendre Jésus pour un simple prophète. Il remplit toutes les conditions du prophétisme, il récapitule tous ses aspects. Il est l’essence même de la Parole de Dieu, cette Parole incarnée et proclamée. Il atteste cette parole par le miracle qui est l’un des facteurs essentiels de la validité du prophétisme. La parole qu’il professe au nom du Seigneur doit s’accomplir.  Jésus donne un enseignement nouveau non pas par son miracle. Ce qui préoccupe Marc est la personne de Jésus. C’est pour montrer sa divinité. L’enseignement nouveau de Jésus en homme qui a autorité se situe là. La parole que dit le prophète n’est pas sa parole, c’est pourquoi il dit souvent : Oracle du Seigneur. Or Jésus lui dira : Moi je vous le dis, une expression phraséologique attestant sa divinité. La Parole de Dieu dépasse le prophète et le peuple qui l’écoute.

Dispositions pastorales et cordiales en Christ

Il reste maintenant à situer cette parole dans les dispositions que l’homme doit garder envers elle. Le psaume le dit clairement, « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
Ne fermez pas votre cœur comme au désert, comme au jour de tentation et de défi, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit ». Saint Paul parlera aussi de cette disponibilité qui nous donne d’avoir les soucis des affaires de Dieu. La mission prophétique est exigeante. Il ne doit pas s’y trouver de compromission ou de dilemme. On peut devenir des hommes d’affaire même dans notre manière de dire la vérité, juste pour plaire, pour en trouver un bénéfice ou un intérêt personnel.

Les récents débats sur certains sujets brûlants de l’Eglise nous interpellent sur la radicalité de la Parole de Dieu et la mission ecclésiale. Les propositions faites actuellement selon l’orientation pastorale d’une Eglise en sortie comptent à coup sûr mettre plus l’accent sur la nature miséricordieuse de l’Eglise mère de tous. Il faut sincèrement reconnaitre que de tels enjeux théologiques et pastoraux sont soucieux du bien de l’homme et de sa capacité à renaitre en Christ. Cependant, il y a lieu, sans vouloir trop se montrer rigoriste et extrémiste de dire la Parole de Dieu, rien que celle-ci en conformité à la Tradition ecclésiale. Les modèles d’éthique de situation ou éthique situationnelle doivent bien aiguiser leur arme pour ne pas feindre d’écouter et d’assimiler la Parole de Dieu. Des approches d’une éthique de croissance me sembleraient plus pertinentes. Elles pourraient élever les uns et les autres dans notre déphasage vis-à-vis de la Parole de Dieu en indiquant le péché à bannir de nos cœurs.

Chers séminaristes l’Eglise a besoin des prêtres qui maintiennent solides la tradition de l’Eglise et les Saintes Ecritures.  Lumen Gentium affirme clairement que « Le Peuple saint de Dieu participe à la fonction prophétique du Christ ». Il l’est surtout par le sens surnaturel de la foi qui est celui du Peuple tout entier, laïcs et hiérarchie, lorsqu’il « s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (LG 12) et en approfondit l’intelligence et devient témoin du Christ au milieu de ce monde ». Chers amis séminaristes, il faut que tous nous devenions des signes prophétiques pour notre temps dans la vérité de notre être rivé sur le Christ. Soyons des signes prophétiques pour l’humanité. Dieu vous bénisse.

 

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