RAPPORT GENERAL DU COLLOQUE

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Excellence Monseigneur Barthélémy ADOUKONOU, Excellence Monseigneur Eugène HOUNDEKON, Monsieur le maire de la commune de Bohicon, Révérends pères, révérendes sœurs, Eminents professeurs des universités, chers invités et participants à ce colloque, Chers jeunes étudiants-séminaristes,

Ite missa intellectus est !, Telle est la sentence, la seule que nous sommes en droit de scander en cette solennelle occurrence où notre colloque touche à son épilogue. A l’instant, le vin est tiré. Les ouvriers ont envahi les vignobles et en ont vendangé le fruit. Ils l’ont travaillé et il ne reste qu’à s’en sustenter. L’aphorisme latin ne stipule-t-il pas à juste titre que « bonum vinum laetificat cor homines » ? Le bon vin que nous avons extrait au cours de ce colloque axé sur le thème Anthropophobie : Comment ré-humaniser l’homme ? est l’évidente possibilité d’une ré-humanisation du sujet humain contemporain. Les préoccupations majeures qui furent les nôtres, dans la mesure où elles se sont articulées autour des horizons de sens pour la re-humanisation de l’homme contemporain, ont motivé l’extraction de ce bonum vinum.

En effet, tous en conviennent, l’avalanche des crises anthropophobiques qui retiennent l’humanité dans l’ornière de la barbarie moderne, des réductions anthropologiques qui ravalent l’homme au rang d’une vulgaire marchandise, du relativisme moral, du néo-relativisme et de bien d’autres dérives du même acabit nous a astreints à penser, au crible d’une approche interdisciplinaire, de nouveaux paradigmes pour l’homme moderne qui attend encore d’être sauvé. La question prend un relief particulier lorsqu’elle nous confronte à la situation pour le moins déplorable de l’homme africain mal remis des séquelles de sa rencontre avec l’Occident.

Dans la dynamique de voler donc au secours de de cet homme en mal de vivre, ce colloque académique, qui déjà égrène ses dernières minutes, s’est amorcé ici même, dans les murs du Grand Séminaire Philosophat Saint Paul de Djimé, les Jeudi 23 et Vendredi 24 Mars 2023. Le décor fut planté par la messe d’ouverture présidée par le père Antoine MASSESSI, directeur des études dudit philosophat. La cérémonie d’ouverture a donné lieu principalement au mot d’ouverture du recteur, le révérend père Albert OGOUGBE. Si pour le recteur, la question de l’anthropophobie nous convoque sur les sentiers de l’anthropophilie, valeur a priori inhérente à l’humain, elle a aussi pour fin suprême de parvenir à prouver l’homme comme un imago Dei. Après la plage culturelle qui retraça la trame de l’histoire de la philosophie africaine, l’intervention du directeur consista en amont à introduire Son Excellence Monseigneur Barthélémy ADOUKONOU puis en aval à donner, partant de l’équivalence entre la conception hobbesienne de l’homme et l’anthropologie réductrice béninoise du « Gbèto da hou tchoukou », les motivations et orientations du colloque dont les deux journées sont mises sous le prisme d’une pensée propre. Si dans la première journée, il s’est agi d’une primauté du Gnothi seauton socratique « connais-toi toi-même », secundo, il fut question de l’impératif du Sapere Aude kantien ouvert à l’altérité formulé dans le cas d’espèce « Penser par soi-même avec les autres ».

L’intervention du directeur des études fit le lit à la conférence inaugurale confiée à l’expertise du professeur Mahougnon KAKPO. S’appesantissant sur la question de « l’Autoréférentialité : un nouvel itinéraire épistémologique pour la réhabilitation du soi africain », le professeur KAKPO stipula que c’est faute d’une pensée authentiquement africaine que l’Afrique s’est laissée berner par la pensée occidentale. Voilà pourquoi, il s’interroge sur l’instant favorable qui sera celui d’une Afrique décolonisée.  Pour lui, cette dernière ne viendra au jour que par le biais de l’Autoréférentialité qui assure et assume un retour authentique à l’épistémè africaine. Deux questions complémentaires se trouvent au fondement même de l’Autoréférentialité : d’une part, comment gérer la résilience des chocs que le continent africain a subis au cours de son histoire ?  D’autre part, quelle contribution fait sienne l’université dans un tel processus ? Du reste, sa perspective aboutit à un retour sans condition au et au Vodun, deux piliers de l’épistémologie des humanités classiques

Au déclin de la phase-débat, Monseigneur Adoukonou dans son intervention orienta de nouveau sur les pistes d’une herméneutique chrétienne du Vodun. Les conférences en panels arrachèrent le relai pour statuer diversement sur l’humanisme qu’il convient de proposer pour le siècle courant. A cet effet, l’axe philosophico-social, investigué par les conférences des pères Théophile AKOHA et Grégoire-Sylvestre GAINSI, s’est donné le défi de formuler deux propositions. Si en premier lieu, il importe de recourir à une éthique de l’humain afin d’enclencher ne re-naissance de l’Afrique, par la suite, la nécessité d’une issue de sortie de crise s’est articulée à cor et à cri par l’importance de parvenir à un nouvel humanisme : l’humanisme bovillien de la tension stable décrite dans le « sistere in homine ».

L’axe politique et juridique, en ce qui le concerne, fut meublé l’intuition du Docteur Gad-Abel DIDEH et de la Sœur Lydie DJIVOEDO. Faisant premièrement cas de figure du néo-républicanisme comme un nouveau paradigme approprié pour refonder la dignité humaine, cet axe exhibe deuxièmement sous les feux de rampe, l’urgence pour le droit positif de s’inspirer du principe chrétien de l’humain afin d’être effectivement une possibilité axiologique à même de constituer l’humain dans toute sa dimension holistique.

Sur le plan ethno-théologique, pendant que le père Roland TECHOU opte pour des enjeux culturel et religieux principiels qui s’érigent comme fondement du Gbètognigni, nouvelle tonalité affective de l’être-au-monde dans l’univers béninois et plus généralement du sujet africain de cette ère, le père Antoine MASSESSI se lance sur des pistes d’une ecclésiologie qui libératrice de l’Afrique des fers et qui ce faisant, pense à des voies ethno-théologiques de re-humanisation comme pour obéir à l’intuition du missionnaire et ethnologue Francis AUPIAIS, « christianiser, c’est humaniser ».

L’axe éducatif et pastoral, stigmatisant les crises contemporaines de l’éducation qui se cristallisent dans le monde en général et au Bénin en particulier par une montée de l’incivisme, de la béninoiserie, l’inhumanisme et de la méchanceté d’un côté et de l’autre par la déliquescence croissante du niveau intellectuel dans les systèmes éducatifs contemporains, pose l’éducation à la Bienveillance comme le lieu d’une relève du sens de l’humain. Au gré d’un dialogue entre Paul Ricoeur, Marguerite Léna et bien d’autres penseurs, le père Roland LAKOUSSAN proposa l’humanisation des politiques d’éducation par le truchement de la bienveillance.

En dernier lieu, le professeur Emmanuel Falque, doyen honoraire de l’Institut catholique de Paris, prit le soin et le temps requis pour éveiller tous et chacun à une phénoménologie du samedi saint. Obéissant à l’intuition phénoménologique qui fait la trame de son Triduum philosophique et de son dernier ouvrage Hors phénomène, essai aux confins de la phénoménalité, Emmanuel Falque nous a montré que Christ, par le fait de sa descente aux enfers, rejoint l’homme tombé dans le trauma, mieux dans les abysses de la crise de l’anthropophobie. Son propos s’amorça par une distinction entre l’enfer et les enfers. En effet, le hors phénomène est cet état de crise où l’on est à la fois hors je et hors-jeu. C’est précisément ce qui symbolise les enfers (étymologiquement ad inferus), où le Christ rejoint l’humain en attente de salut pour accompagner le sujet dans son trauma. Par contre, l’enfer est un lieu de damnation éternelle.

A l’issue de cette visio-conférence, la schola Cantorum s’est offert le plaisir d’élever nos âmes en action de grâce au Seigneur pour ce jeu intellectuel qui s’est tenu dans l’arène philosophique qu’incarne ce lieu de formation.

A l’épilogue de ce rapport, que la largesse nous soit donnée de signifier nos vives gratitudes à tous et à chacun. De plus profondes reconnaissances émergent de nos cœurs pour s’adresser au prime abord au Seigneur qui a permis l’effectivité de ce creuset intellectuel. Ensuite, elles embrasent le cœur de tous les participants et invités à ce colloque, à Nos Seigneurs Barthélémy ADOUKONOU et Eugène HOUNDEKON, au Professeur et Honorable Mahougnon KAKPO, au professeur Emmanuel Falque, au Maire de Bohicon, aux éminents professeurs qui ont tenu la gageure de l’exigence de scientificité d’un colloque, aux étudiants des université environnantes et à tous ceux qui, par la médiation d’Internet, ont pu nous suivre de quelque façon. Puissent ces vives reconnaissances se frayer un chemin dans les cœurs de leurs destinateurs afin que s’incarnent effectivement dans leur quotidien, les précieuses recommandations auxquelles nous ont conduits nos réflexions. Enfin, nos remerciements s’adressent à tout le Philosophat de Djimé, Recteur, Formateurs, Religieuses, Séminaristes et Personnel de soutien qui, sous les feux des projecteurs ou à l’ombre de la discrétion, se sont investis corps et âme dans l’organisation de ces agapes intellectuelles.

Du reste, concluons à présent à l’idée que l’humain est une promesse qui mérite d’être tenue, qu’il est en lui-même dégradé et qu’il mérite d’être rétabli à cause de son inaliénable dignité. Tout ceci par l’effort d’une persévérance dans l’être. Comme le dit Charles de Bovelles « Homo es, sistere in homine », Tu es homme, tiens bon dans l’homme !

  Vive la Sophia !

Vive l’Humain !

Vive le Philosophat !

 

 

Le secrétariat du colloque.

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