Homélie du 32ième dimanche du temps ordinaire année A

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La quête de la Sagesse et le sens de nos vies

Assoiffés de la Sagesse

Bien aimés du Seigneur, Fils et Filles de Dieu. La première lecture de ce jour est tirée du livre de la sagesse. Elle est adressée aux rois et aux gouvernants pour les aider dans la gestion de leur cité. La Torah considère Salomon comme la figure de la Sagesse pour dire le parangon des sages. Quoique cet écrit sacré porte un auteur anonyme, on le nomme si bien donc la Sagesse de Salomon. En outre, plusieurs défendent l’idée que ce livre jouit d’un enracinement profond de la culture hébraïque et de la culture grecque bien que mis en épochè par le canon juif. Les traces poétiques, structurelles, rhétoriques et philosophiques qui y paraissent laissent comprendre cette « littérature de sagesse aux allures hellénistiques » (Jean-Eudes Renault) Dans ce contexte, des assimilations se font jours. Elles présentent les figures de Socrate et de Salomon comme les pères de la philosophie. L’inversion épistémologique que prendront plus tard ces assimilations sera révélatrice de toute la relation largement voulue dans ses jours de gloire, mais parfois tendue et souvent risquée entre la pensée philosophique grecque et le christianisme qui laisse la marque de sa spécificité.  Les deux grands génies de l’Eglise, Saint Augustin amoureux de Platon, et Saint Thomas d’Aquin d’Aristote, nous situent en plein dans ce contexte d’inculturation.

«  La sagesse est resplendissante…elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment….Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas, … Penser à elle est le perfectionnement du discernement ». Le livre de la Sagesse dans sa globalité parait constituer le repère de l’action vertueuse. C’est pourquoi l’autorité, le pouvoir, la grandeur, les richesses n’exonèrent pas les rois de rechercher la sagesse comme l’art de bien gouverner leur peuple et leur vie personnelle. Cette perception apparait dans l’écrit de ce jour. Mais il importe de l’étudier avec grande acribie et de comprendre ici que la personnalisation de la sagesse telle qu’on la perçoit laisse clore une multiplicité de visages. Le dépassement que viendra opérer le christianisme dans sa compréhension de Dieu par rapport au Dieu de la philosophie grecque dans laquelle il retrouve auparavant un confort, se voit déjà minimalement anticipé dans le récit de ce jour. Cette personnalisation de la Sagesse recouvre en effet, d’abord et avant tout, la transcendantalité de Dieu, l’affirmation de sa suprématie. En face de cette Sagesse, comme Parole, comme Instruction de Dieu, on retrouve en effet la crainte de l’homme qui se reçoit de Lui. Le discours philosophique sur la vérité de Dieu se construit sur sa Pensée Pure. Alors qu’ici cette Sagesse se révèle aimante et aimée, c’est une personne (Ratzinger). Je voudrais en réalité affirmer que la recherche de la Sagesse (quand on la cherche, elle se laisse trouver, elle se tient à notre porte), est la préférence de Dieu avant tout et  à tout ce qui existe. C’est Lui qui oriente nos vies.

Elles sont sans doute légitimes les visions philosophiques qui reconsidèrent le réel dans sa nudité et dans ce qu’il est comme phénomène c’est-à-dire comme Phos, lumière qui nous apparait. Cependant quand elles tentent de rendre systématiquement Dieu lui-même comme un phénomène, quand elles osent « étantiéser » Dieu, ils semblent court-circuiter  le sens que prend l’existence humaine. Sens compris ici, comme direction vers un être suprasensible et sens comme signification, comme valeur de vie (Jean Grondin). Poser en amont l’ « existence » (c’est moins dire) et la suprématie de Dieu dans sa recherche et dans la quête de la Sagesse, semble la voie idéale pour donner sens à  nos vies. Mais cela ne suffirait pas.

Le sens de vie dans le Christ par l’Esprit

En effet les dix vierges de l’Evangile sont vierges, parce que destinées à l’épousailles au Christ, l’Epoux. La pureté de ces vierges est métaphorique et constitue donc une prévenance de la grâce de Dieu qui appelle son peuple aux noces éternelles. Je le disais, en acceptant Dieu et en épousant sa transcendantalité et sa proximité amoureuse, nous devons encore faire plus. C’est ce qu’ont oublié les cinq vierges insensées, non sages. Le certificat du baptême ne fait pas entrer systématiquement les fidèles du Christ dans la salle des noces. Les cinq vierges sages et sensées, quant à elles, redonnent plutôt à leur quête de la sagesse, son point ultime. La direction et la valeur que prennent nos vies dépend du Christ, le Logos qui dirige cette vie. La recherche de la Sagesse trouve alors son espace d’exercice réel dans le christianisme. Il se trouve des discours pertinents sur le vrai avènement de la philosophie dont la trame se trouve  dans le logos christique. Au fait, seule l’attache de l’humanité et du Chrétien au Christ, seule son acceptation dans nos vies malgré tout, importe. Il s’agit donc de l’acceptation d’un Dieu qui est transcendant et tisse nos existences qui doivent avoir pour bride l’Esprit-Saint Lui, qui nous donne la grâce de la vigilance. L’huile dans nos existences c’est l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi être sage c’est aussi être vigilant.

La différence entre les filles insouciantes et les filles sages souciantes se trouve dans la négligence des unes et la vigilance des autres. La vigilance ici se comprend comme l’acceptation prolongée du silence de Dieu, de son délai suffisamment long et parfois même ennuyant. La vigilance du Chrétien au chœur des difficultés et des situations-limites (Karl Jaspers-Gabriel Marcel) comme possibilité du long silence de Dieu est la prise de conscience que tous nos instants peuvent surtout devenir le dernier instant de la vie. Ce qui a échappé aux insensées. Par ailleurs, l’autre trait conséquent de la Sagesse comme vigilance est la saisie de la différentiation consciente entre le temps de la miséricorde de Dieu et celui de son jugement. Jésus, qui le premier nous demande de frapper à sa porte à n’importe quelle heure, se trouve le premier à nous dire : « je ne vous connais pas ». Le trop tard n’est plus le temps de la miséricorde. Les cinq vierges insensées n’ont plus en leur possession le temps de la conversion qui leur était gratuitement offert auparavant. Elles se tiennent maintenant à la porte sans entendre la voix de l’Epoux.  En réalité, le temps du jugement n’est plus le temps de la conversion ou de la miséricorde.

Bien aimés du Seigneur, Fils et Filles de Dieu, quand avons-nous vérifié notre niveau d’huile pour la dernière fois ? Les ressorts du Saint-Esprit diminuent sans doute dans nos vies. Confortés dans nos voitures, nous voyons la jauge de notre niveau d’huile totalement baisée, et pourtant, nous continuons de conduire, oubliant d’implorer l’Esprit-Saint pour relancer nos vies. Nous vivions ainsi la léthargie religieuse, la foi routinière, la négligence spirituelle, l’acédie de vie,  la  froideur spirituelle, la superficialité. Daigne le Christ nous en épargner. Il n’y a que Lui, le Christ qui puisse donner à nos quêtes de sens, leurs valeurs sublimes.

P. BOKOSSA Damien

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